Aide à domicile, un choix de vie

Date : lundi 8 février 2021 - Catégorie : Quimper - Vues : 1296

Interview de Sylvie Gerlesquin, aide à domicile employée par le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Quimper (29).

Elle aime son métier, qu’elle exerce depuis quarante ans. Mais elle craint que le maintien à domicile en service public ne vive ces dernières années.

Sylvie, quelles sont tes conditions d’emploi et celles de tes collègues aides à domicile ?

Les aides à domicile sont soit des fonctionnaires territoriaux comme moi, appartenant au cadre d’emplois des agents sociaux, soit des agents contractuels payés à l’heure.

Peux-tu décrire comment se passe la première prise de contact ? Êtes-vous informés de la pathologie de la personne ? Quel âge ont les personnes chez qui vous intervenez ?

Avant une première intervention, nous recevons une évaluation sur la situation de la personne de la part du CCAS. Celle-ci peut comprendre des informations générales sur l’état de santé psychique (troubles cognitifs moyens ou très accentués) ou physique (diabète, par exemple, pour les courses et les menus) mais sans entrer dans les détails médicaux.

Des centenaires à domicile

Nous intervenons soit pour des adultes présentant un handicap physique ou psychiatrique, soit pour de la gériatrie« pure et dure», de 85 ans à plus de 100 ans. Il y a des centenaires à domicile mais à quel prix ! Les logements sont rarement adaptés et adaptables. Les pièces sont souvent petites et les usagers sont peu incités par le CCAS à faire des travaux et abattre des cloisons. Comme ils sont souvent propriétaires, ils n’ont droit qu’à peu d’aides financières.

Combien de personnes accompagnes-tu ? Comment se passent les déplacements ?

Pour les durées de prise en charge, il faut distinguer entre les caisses de retraites pour la CARSAT, c’est neuf heures de prise en charge par mois et par personne et l’aide personnalisée d’autonomie (APA) pour lequel le temps d’intervention dépend du taux de dépendance, mesuré de 3 à 6. En ce qui me concerne, je vois en moyenne sept usagers par jour et je me déplace en voiture. Mais actuellement on recrute des agents qui se déplacent à pied ou en bus. La plupart d’entre eux sont cassés au bout de trois semaines et ils démissionnent ou se retrouvent en arrêt de maladie.

Des conditions de travail pires que dans le bâtiment

Il y a un gros problème de recrutement car le métier n’est pas attractif. Quant aux agents expérimentés, ils sont cassés ou à moitié cassés. Je siège en commission de réforme et je peux dire que c’est pire que dans le bâtiment, avec des ports de charge, un environnement de travail pas du tout adapté, beaucoup de troubles musculo squelettiques (TMS) reconnus en maladie professionnelle : épaules, bras, genoux, rachis, des cervicales aux lombaires... Le bilan social fait état d’un état de santé des agents dégradé
25% des collègues subissent ou ont subi récemment des restrictions médicales ce qui ne semble pas déranger l’employeur. Certains agents ne font pas de déclaration, par peur d’avoir des ennuis. À noter aussi des inaptitudes et même une mise en invalidité. En 2019, une procédure risques psycho-sociaux (RPS) a été initiée à la demande de la CFDT afin de comprendre et de prévenir un taux d’absentéisme toujours élevé dans ce service, avec une analyse par une psychologue du travail et la mise en place de groupes de travail

Face à cette réalité, bénéficies-tu d’un soutien professionnel et de réunions d’équipe ?

Je travaille à Quimper depuis dix-huit ans et pour le travail en équipe c’est un zéro pointé ! En théorie (règlement intérieur), nous devrions faire des réunions de service au moins tous les deux mois. Sous prétexte de Covid, il n’y a eu que deux réunions depuis le début de l’année 2020...

Comment faites-vous face à l’épidémie de Covid ?

Lors du premier confinement, beaucoup de collègues, surtout des femmes, devaient rester chez eux pour s’occuper de leursenfants et certains devaient rester confinés pour raison de santé. La situation est meil- leure maintenant puisque les enfants sont scolarisés. À ma connaissance, aucun usa- ger n’a été touché par le Covid, en partie grâce à la vigilance des agents et l’appli- cation des recommandations. Les agents à domicile sont consciencieux et respectent tous les gestes barrières, les gants, les masques...

Pour conclure, Sylvie, quel regard portes-tu sur ce métier que tu exerces depuis longtemps déjà ?

J’ai toujours la foi ! Ce métier je ne l’ai pas fait par défaut ou par dépit mais cela a été un choix de vie. Je commence à avoir du recul sur ce métier et je reste très réservée sur le maintien dans le giron public de ce service car il est déficitaire depuis plusieurs années. La santé des agents vieillissants se dégrade, les recrutements sont de court terme et la précarisation de ce métier le rend peu attractif. Le problème ce sont les managers, qui maintenant ne sont plus que des gestionnaires alors que nos encadrants, traditionnellement, étaient des anciens soignants ou des travailleurs sociaux qui avaient, eux, la fibre humaine et humaniste.

Les interviews de ce dossier ont été réalisées par Franck Bourgi et Thierry Duboc • Secrétaires CFDT de la fédération Interco